Comme dans un fauteuil !
12 décembre 2019
Jamais, depuis que j’ai entrepris la rédaction de ce blog, je n’avais laissé autant de délai entre deux publications. Étrangement, je n’ai pas vu le temps passer. Il est vrai que, pour une fois, tout s’est plus ou moins déroulé selon le plan établi : une intervention chirurgicale réussie, une convalescence agréable, rapide et efficace, une absence de complications, une infection vaincue, un retour à la vie civile progressif et salutaire. Pour clôturer une année 2019 exceptionnellement difficile, voire délétère, la pire sans doute depuis ma sortie de l’hôpital en 2015, allais-je enfin renouer avec le bon côté de la force ? Il semblerait que oui. Disons que, contrairement au gouvernement, le nombre de fronts sur lesquels je lutte est en net reflux.
L’escarre semble terrassé, même si je reste prudent et omnibulé par l’état cutané de mon fessier sur sollicité. Le handbike que j’avais commandé début 2018 est enfin terminé et disponible. Reste à l’essayer pleinement aux beaux jours. Un an après en avoir versé un premier acompte, les travaux de notre terrasse bourguignonne sont en passe d’être terminés. Comme quoi, dès qu’il s’agit de rendre la vie des handicapés plus agréable, nos artisans sont capables d’accomplir des miracles. Ma dernière acquisition immobilière est effective sans que j’aie jugé indispensable d’insulter le vendeur après signature. Ce nouvel espace, situé à l’étage de mon domicile actuel et auquel je n’aurai sans doute jamais accès, à moins d’adapter le flyboard de Francky Zapata, m’apporte déjà de grandes satisfactions, entre mécénat et proximité filiale. Après avoir été squatté le temps d’un week-end « pop-up store » par un collectif d’artistes talentueux et qui gagnent à être connus, il accueillera après travaux ma fille Victoria et sa colocataire Nell. Je m’en réjouis déjà.
Enfin, après moult affrontements, rebondissements, retards et honoraires d’avocats, je suis sorti indemne du violent différend professionnel qui a rythmé mon année. Certes, la colère, contenue, est elle aussi indemne. Là aussi, la phase de résilience sera sans doute longue. Mais j’ai une certaine expérience en la matière. Bref, débarrassé pour l’heure de tous les phlegmons qui m’interdisaient de me vautrer pleinement dans l’aisance, j’aborde cette décennie sous le signe du renouveau. Nouvelle fesse, nouveau départ professionnel, nouvel associé…, l’heure est au changement.
Comme la sécurité sociale m’y autorise tous les cinq ans, je m’apprête également à acquérir un nouveau fauteuil roulant. Un choix éminemment important lorsque l’on mesure le rôle central que joue cette prothèse à roulettes dans la vie du tétraplégique. J’ai passé près de 20 000 heures le cul vissé sur mon fauteuil actuel. Nonobstant quelques incidents techniques de parcours, celui-ci a correctement fait le job. Mais l’usure guette et quand sécu et mutuelle proposent de couvrir une bonne partie de l’investissement, il serait crétin de faire la fine bouche. Plus léger, plus confortable et plus fiable – ça, on verra à l’usage -, il sera également plus rapide. Équipé d’une nouvelle génération de roues à assistance électrique, il devrait me propulser à une vitesse maximale de 9 km/h, de quoi traverser au rouge et accompagner des footings tranquilles. J’ai pu en peaufiner le cahier des charges avec Mathilde, l’ergothérapeute compétente et efficace (c’est assez rare pour être souligné) de la clinique de Marcy l’étoile et avec mon revendeur habituel, compétent mais peu réactif (c’est assez fréquent pour être souligné). Je devrais prochainement procéder à des essais avant commande définitive.
J’ai également changé de kinésithérapeute. Antonio, l’andalous adepte de la méthode Bobath, qui m’avait réconcilié avec son corps de métier, mon propre corps, et mobilisait mes articulations avec doigté une heure par semaine depuis plus de trois ans, s’est en effet expatrié dans l’océan indien il y a quelques mois. Le temps d’un bref passage en milieu hospitalier, au cours duquel je réappris, entre les mains expertes de Marie-Christine, à ronronner des bienfaits d’un soin quotidien, j’ai finalement retrouvé en ville une de mes kinés attitrées durant ma longue rééducation au centre Henri Gabrielle entre 2014 et 2015. Jessica œuvre désormais dans le privé et me reçoit chaque mercredi dans son cabinet partagé du 8eme arrondissement. Une heure durant, bercé par son accent madrilène et ses délicats massages des cervicales, je redeviens le jouisseur que je n’ai cessé d’être.
La seule chose qui ne change pas fondamentalement, c’est mon cercle d’amis. Si j’ai perdu quelques éléments en chemin, cet accident fondateur n’aura fait que renforcer les relations que j’entretiens avec les très proches et en élargir considérablement les contours. Par le biais de ce blog, de mes différentes activités ou des réseaux sociaux, je me suis reconnecté avec la plupart des personnes dont j’ai, à un moment ou un autre, partagé la route, à de très rares et notables exceptions près… C’est la magie des réseaux sociaux, lesquels, quand ils n’engendrent pas le pire, vous réservent parfois de bonnes surprises, telles que celles de communiquer avec des personnes que vous aviez perdues de vues depuis le premier septennat de François Mitterrand. Ainsi, j’ai par exemple retrouvé Pascale, qui avait sérieusement contribué à me dégrossir sexuellement aux alentours de ma dix-neuvième année. A voir comment elle arbore sa cinquantaine épanouie, belle et rayonnante, il est rassurant que constater que l’on a souvent fait les bons choix.
Moi aussi, je dois m’entretenir un minimum. Après plus de six mois d’abstinence, j’ai retrouvé le chemin de la salle de sport de notre association ANTS, initiée par Vance Bergeron, mon vieux compagnon de roues. Ce dernier va mieux, galvanisé j’imagine par sa médaille nationale de l’innovation remise par le CNRS, son dîner avec the president himself et la belle séquence médiatique qui a suivi. Des retombées dont bénéficie cette salle unique en France qui accueille aujourd’hui plus de soixante adhérents handicapés moteur. Chaque mercredi, c’est l’occasion pour moi, durant quelques heures, d’échanger avec mes potes tétras historiques, Vance et Julien, autour d’un café et de me défouler sur trois ou quatre machines adaptées. C’est également l’opportunité de rencontrer de nouvelles personnes, handicapés et accompagnants. Souvent bien cabossées, à divers degrés, elles redécouvrent plusieurs choses parmi nous, dans le cadre de cette salle : une activité physique régulière et adaptée, un lien social avec des pairs et une certaine pratique de l’autodérision.
Pour le reste, après cet intermède horizontal de presque six mois, j’ai renoué avec mes tétrabitudes. Le passage bi quotidien d’un ou d’une aide soignante et l’aller-retour domicile/travail avec chauffeur Optibus. Là-aussi, le turn over a frappé et je dois composer avec de nouvelles têtes. La nostalgie ne manque pourtant pas de me gagner lors de certains départs. Celui de la douce, belle et fraîchement naturalisée Fallone, partie construire une nouvelle vie méritée en Avignon, ou ceux de Charles et Gilbert, deux chauffeurs piliers d’Optibus, qui ont fait valoir prématurément leur droit à la retraite. Nos conversations vont me manquer. C’est sans doute pour cette raison que je soutiens la réforme des retraites en cours. J’eusse égoïstement aimé qu’ils travaillent encore quelques années. Tandis que Charles le philosophe va s’en aller cultiver son verger au Sénégal et Gilbert le poète, tailler ses oliviers en Toscane, ils me plantent donc ici. Mis à part ces légères contrariétés, tout va bien ! J’ai même revécu la traditionnelle nuit blanche de la SaintéLyon. A ceux qui s’étonnaient que je ne fusse pas spécialement éprouvé par la chose, je faisais remarquer que j’avais pris soin de rester assis en permanence.
Un handicapé épanoui et bien dans sa peau, on n’a pas idée. Tiens, je vais aller manifester moi aussi, histoire de hurler mon mécontentement. C’est vrai qu’en cherchant bien, je pourrais sûrement encore améliorer mon quotidien. Macron Démission !
Crédit photo : Chloé Perez. « L’art du transfert, ça n’a pas de prix ».
La planche de transfert, communément appelée banane, permet au paraplégique ou tétraplégique « léger » de passer aisément de son fauteuil à un autre support (lit, automobile, canapé, table de massage…).
Puisse enfin ces très bonnes nouvelles perdurer pour toi et les tiens !
Pas eu le temps d’échanger sur la SaintéLyon, mais j’ai été ravi de te saluer.
Je pense à toi.
»Puissent » d’ailleurs. Les bonnes nouvelles sont suffisamment nombreuses pour appliquer le pluriel…
Et bien… du positif et la banane en prime, qu’est-ce que ça fait plaisir !
T’as même tellement couru durant la SainteLyon que je n’ai point réussi à te croiser… un comble 😉
Contente de ce billet plein de positivité. Une question Mim si la photo de Ta banane atteint le prix du tableau vendu récemment tu vas pouvoir investir dans un fauteuil ultra sophistiqué non ??? Trêve de plaisanterie j’ai hâte de te voir à Santenay ainsi que Chloé et Agathe.
Bravo pour cette acquisition qui fait que tu vas te retrouver entouré de filles. Bisous
Une banane multifonctions dis donc ! Garde la bien sous ton fessier et ton visage et bon passage en 2020.
Mimis à vous 3
Manger la banane par les 2 bouts…
Merci Michel pour ce billet. Bises Nadine
Quel beau billet. Il est toujours plaisant de lire des choses positives.
Billet d’avenir…..
J’avais ressenti lors de mon passage à Marcy qu’il s’annonçait….
Et ce n’est ni de la crypto monnaie , ni un assignat…… pour un assigné.
Bon printemps et bon été dès que l’hiver sera terminé
Très heureuse pour toi de cette fin d’année positive et bravo pour le récit que tu en as fait.
Bravo également pour le détournement de cette ´ œuvre ´périssable si cher payée…. j’adore, et cela a au moins le mérite de me faire connaître la banane pour les transferts.
Mai 81 à mai 88, aïe, ça commence à faire qqs années mais le plaisir de te revoir n’a pas pris une ride
Hasta la vista Michel, je t’embrasse .
impressionnant ! Bravo
hello Michel!
un billet qui ravigote, pétille, réjouit…un feu d’artifice !
cette histoire de banane est très drôle comme d’habitude et en même temps j’ai appris quelque chose.Donc bravo!
J’attendais effectivement ce billet avec impatience. Je me demandais ce que tu foutais. Je me suis dit il devient paresseux le père Sorine! mais noooon.
Un beau billet comme celui-ci ça valait le coup d’attendre.
je t’embrasse très fort et te souhaite le meilleur pour la fin 2019 avec tous ceux que tu aimes.
Merci pour cette énième leçon d’humour et d’auto-dérision. A 75 ans je commence aussi à percevoir qu’il faudra un de ces jours se résoudre à vivre par gènes interposés. En attendant, nos rejetons viennent de nous offrir, sur ce plan, une belle leçon de choses. A travers eux, je suis presque allé à l’Atacama et au Licancabur d’où j’ai presque volé. Vous aussi ? Continuez à nous enseigner l’auto-dérision, nous en avons tous grand besoin. Pourquoi pas, un jour, écrire un livre qui nous aide à nous hisser un peu plus ?
Une nouvelle fesse c’est bien mais quid de l’autre ? Pas un mot, pas une allusion! On est à 1000 kilomètres de la parité!
J’imagine qu’elle vit dans son coin seule, délaissée, se sentant méprisée, dévalorisée, déprimée quand elle se compare à la « belle » si ostensiblement médiatisée.
L’une vit dans la lumière, l’autre dans l’ombre
C’est , « politiquement » pas très correct tout ça. Attention , Michel
je sens chez toi une fâcheuse tendance à stigmatiser , à discriminer, à ostraciser. Tu vas finir par te faire mal voir
Et c’est quoi ce nouveau fauteuil « merveille de la technologie » par sa légereté , son confort et sa fiabilité et de surcroît « équipé d’une nouvelle génération de roues à assistance électrique »
Tu veux en mettre plein la vue à tout le monde ou quoi ?
En tous cas c’est comme ça qu’on fait des jaloux
Tu es pile poil dans les temps pour une bonne préparation hivernale…
2019 Annus horribilis
2020 comme dans un fauteuil et comme sur des roulettes et avec la banane !!!
Bonne fin d’année 2019 😉
Lire ce billet dans la voiture qui nous mène en Bourgogne la veille de Noel, me donne la banane ! Quelle energie (maintenant on dit « belle energie » comme on dit « belle journee…. » ca me gonfle…..) mais quelle energie ! Waouh ca fait plaisir.
Et ca m’épate !
Et tous on t’embrasse fort
Lire ce billet dans la voiture qui nous mène en Bourgogne la veille de Noel, me donne la banane ! Quelle energie (maintenant on dit « belle energie » comme on dit « belle journee…. » ca me gonfle…..) mais quelle energie ! Waouh ca fait plaisir.
Et ca m’épate !
Et tous on t’embrasse fort
Comme j’aime lire des billets comme celui-ci !!
Cool que tout s’arrange et prenne tournure positive, le perso et le pro !
Ca me donne la pêche pour la journée d’avoir lu tout ça 🙂
On est pressés de t’accueillir aux beaux jours dans notre nouvelle maison, pour un barbecue (et un dej d’ici là, ce serait bien aussi, non ?)
Que 2020 soit l’anti-2019, elle a l’air de commencer sous les meilleurs auspices !
On t’embrasse,
Le colonel, Lidwine, Baptiste et Elsa
Ça fait un bien fou des propos et une mentalité aussi positifs, c’est contagieux. Meilleurs vœux Michel.
Je suis rassurée de te lire à nouveau 😉 tu n’as pas cessé d’écrire, super, c’est juste moi qui ne t’ai pas lu pour différentes raisons… me voilà arrivée en chartreuse, c’est beau. Plein de bises Mimi à toi et tes filles.