La peau des fesses
26 juin 2022
Toujours positiver ! C’est un peu la ligne de conduite que je m’efforce de suivre depuis huit ans, avec un succès très relatif. Jean-Luc Mélenchon devrait être un modèle pour moi. Faire toujours comme si l’on avait gagné, alors que l’on a tout perdu. Si vous avez lu le précédent billet, qui relatait avec moults détails l’ensemble des petits désagréments subis au crépuscule de 2021 et à l’aube de 2022, vous vous dites sans doute que cela pouvait difficilement être pire. Et bien si, c’était possible. Si j’ai tant tardé à écrire la suite, c’est qu’elle fut pleine d’incertitudes, de doutes et de rebondissements. Je souhaitais également être le plus exhaustif possible, afin de ne rien vous épargner. Et puis, je n’en avais sans doute pas franchement le temps, ni franchement l’envie.
Nous en étions donc restés avec cette cicatrice d’escarre, à l’endroit exact où je fus opéré en 2019, qui montrait certains signes de faiblesse. Le 12 mars au soir, en m’aidant à me dévêtir, mon aide soignante émet un léger glapissement d’effroi qui ne prédit rien de bon. Mes vêtements étaient souillés de sang et ma cicatrice sur l’ischion s’était transformée en orifice béant. Premier coup sur la tête. Tout était à refaire.
Branle-bas de combat dès le lendemain matin, avec la pose d’un super pansement absorbant par mon pool d’infirmières dévouées et un mail descriptif avec photos dégueux à l’appui, à l’attention mes interlocutrices spécialistes de l’hôpital Saint-Luc/Saint-Joseph.
Un rendez-vous est rapidement fixé, le 21 mars suivant. Deuxième coup sur la tête. Mes interlocutrices imputent cette récidive à de trop longues plages passées assis sur le fauteuil. Il est vrai, qu’en moyenne, je reste le cul collé sur ma chaise environ 13 heures par jour. Il semble que ce soit trop. Une nouvelle opération est possible, Mais sa réussite à long terme impose de réduire ce temps « assis » et d’instaurer une pause médiane de deux heures chaque jour. En clair, selon la version la plus rigoriste, mes journées devraient désormais se résumer à l’organisation suivante : 4 heures en fauteuil le matin, 2 heures à l’horizontale, 4 heures de fauteuil en fauteuil l’après-midi et coucher à 19 heures… Quoi ? Ça va être ça ma vie désormais ? Je vous laisse imaginer toutes les perspectives exaltantes qui s’offraient à moi à ce moment précis. Fini le sexe et le rock ‘n’ roll, sachant qu’en plus la drogue me rend malade… Évidemment, il me fallut bien une semaine pour digérer ces nouvelles données qui allaient avoir une certaine incidence sur mon existence future. Constatant mon désarroi, mes médecins me conseillent de bénéficier de l’assistance d’un psy, ce que j’ai toujours refusé jusqu’alors. Au point où j’en étais, me sentant victime d’une certaine faiblesse passagère, j’acceptai. Confronté à cette nouvelle donne, telle l’inexorabilité du réchauffement climatique, je décidai de m’adapter immédiatement. Dès le 25 mars, je mis en pratique cette nouvelle règle de la pause quotidienne de deux heures, ce qui me contraint à bouleverser mon emploi du temps. Indéniablement, c’est bien plus chiant.
Je vécus assez mal mes premières demi-journées au bureau. Cet espace n’offrant que peu de possibilités de m’allonger durant deux petites heures. Retour donc à la maison pour deux heures de sieste télétravail, changement de pansement inclus, suivies d’une fin d’après-midi studieuse. Il va falloir que je réfléchisse à d’autres solutions. En attendant, terminé les déjeuners au resto, les réunions le soir et les déplacements éloignés. Professionnellement, ça ne me paraît pas vraiment viable à terme. J’envisageai rapidement de prendre du champ et je m’en suis ému auprès de mon associé. Ce n’était pas le bon moment. Visiblement, lui aussi envisage de prendre un peu du recul. Nous reprendrons cette conversation plus tard.
C’ètait donc parti pour deux mois et demi de job assez intense, mais à « mi-temps » si on décompte les week-ends. Rapidement, une date d’opération est fixée au 15 juin. Dans l’intervalle, j’obtiens un premier rendez-vous avec la psy qu’on avait attribuée. J’aurai droit à deux séances en tout, l’une par téléphone, l’autre en Visio. J’ai fait des efforts, mais je n’en vois toujours pas l’intérêt. Comme celle-ci doutait de mes facultés de résilience face à ce nouveau renoncement, je rappelai à cette professionnelle que j’avais perdu bien davantage en 2014. Alors finalement, une sieste imposée et deux ou trois heures de moins en fauteuil, ce n’est pas non plus le bagne. Ça demande juste une nouvelle organisation et de s’affranchir du superflu. Ainsi, sa proposition de me recommander à un de ses confrères psychothérapeutes en ville fut aimablement rejetée. Idem pour mes séances de kiné. Ils devront désormais venir jusqu’à moi, durant mes plages quotidiennes allongées. Enfin, ma salle de sport spéciale cabossés étant maintenant ouverte les samedis matin, ce sera mon nouveau créneau activités physiques adaptées.
Mon activité professionnelle fut plutôt dense jusqu’au 14 juin au soir, veille de l’intervention chirurgicale. Celle-ci s’est à priori bien déroulée, grâce au savoir-faire reconnu de ma chirurgienne réparatrice qui pratiqua sur votre serviteur un parage-couverture par lambeau musculo-cutané de grand fessier inférieur. (Je vous passe les détails). Un timing parfait puisque je passai l’intégralité de la période caniculaire exceptionnelle de ce mois de juin 2022 dans une vaste chambre climatisée. Je m’efforçai de garder le moral malgré des élections législatives consternantes, l’inflation, l’infâme Poutine, la crise climatique et la fin programmée de l’humanité, la décision de la cour suprême des États-Unis, le vin nature et les menus hospitaliers sans résidus.
Je suis rentré chez moi, doté d’un statut d’hospitalisation à domicile officiel et de télétravail officieux. Je dois encore passer 20 jours totalement allongé, la jambe droite en l’air afin d’éviter tout appui sur la cicatrice. Je pourrai envisager à partir du 15 juillet des levers progressifs en fauteuil, avec l’espoir de sauver quelques jours en Bourgogne début août. Je rêve de programmer quelques sorties en handbike, celui-ci fonctionnant désormais parfaitement, contrairement au pilote.
En attendant, à part le Tour de France qui débute dimanche prochain et dont je pourrai suivre toutes les fins d’étape, je ne vois rien de bien réjouissant dans un horizon proche. Mais cessons de nous plaindre. Le combat continue, comme dirait Jean- Luc.
Courage Mim. J’ai dit à Christian que tu arriverais le 14 juillet et il m’a répondu ok la salle de bains sera prête. Toujours donner une date butoir plus courte à un artisan
En attendant de te revoir avec ta chérie et ta fille, je vous embrasse.
PS en Bourgogne il pleut, donc prends soin de toi et tu pourras faire des sorties sur les voies vertes. Bisous
Vous lire me déchire le cœur. Quel intense combat de tous les instants… Je pense souvent à cet aspect invisible de votre vie tout en vous lisant avec intérêt et quelques sourires sur facebook. Juste vous dire que je pense à vous et souhaite que la cicatrice tienne bien pour un séjour roboratif en Bourgogne !!! Et merci de ce partage de vie qui nous fait tout relativiser, nous les 2 pattes actives pourtant si facilement démoralisés.
Merci beaucoup.
merci Michel pour tes billets toujours aussi bien écrits et si bouleversants! je suis à chaque fois sidérée par cette vie que tu nous décris. Quel combat! chapeau bas.
je t’embrasse. Espérons que l’été saura te préserver.
Quel galérien qui ne lâche rien !
A l’aube d’une nouvelle période de grosse chaleur, en espérant pour toi une parenthèse bourguignonne bien entourée et en laissant tous tes problèmes à Lyon !
Saloperie d’escarre !! Mis à part la lévitation je ne vois pas comment tu peux éviter la position couchée et j’espère que c’est en bonne voie depuis l’écriture de ton post .
Allez ! on croise les doigts pour que, cet été, tout soit opérationnel simultanément: la météo, ton handbike et ton postérieur !
Après tout, tes vacances n’ont-elles pas été maintes fois incertaines, contrariées ou interrompues pour au final pouvoir tout de même profiter le l’air bourguignon ?
Je t’embrasse.