Extropied Redonner de la patate au légume Retour à l'accueil

Tétraman returns

31 décembre 2022

Six mois ! Six mois se sont écoulés entre ce billet et la publication précédente. Malgré ce délai inédit et indécent qui a dû vous plonger dans un océan de doute fébrile, je crois pouvoir écrire, avec une certaine désinvolture, que tout ne va pas si mal. Même si les fêtes de fin d’année ne contribuent toujours pas à m’extirper du seum ambiant. (Pour égayer la période, je poste in extremis ce troisième billet de blog 2022 le 31 décembre, quelques heures avant minuit. Ça m’évitera de poster des stories à la con et de répondre à 279 textos). J’ai donc survécu à cette énième opération post lésion médullaire, à une nouvelle infection osseuse, à un été à l’horizontale, à ces records caniculaires, à la vie chère et à l’inaction climatique. Et puis, j’ai surtout décidé d’arrêter de me plaindre à longueur de blog. Même si je peux effectivement m’estimer opprimé en tant qu’handicapé ostentatoire et dépendant, je n’en reste pas moi-même oppresseur en qualité de mâle blanc hétérosexuel de plus de 50 ans. Il est temps que j’ouvre les yeux sur l’époque. Et puis, la tétraplégie, c’est un peu comme la saga Avatar. Lorsqu’on découvre, on est littéralement fasciné par ce nouvel univers merveilleux. Mais dix ans plus tard, la magie opère nettement moins et il s’agit de sacrement renouveler le scénario et les prouesses technologiques pour espérer continuer à captiver son public. J’en suis un peu là aujourd’hui. Je me devais donc d’innover. J’y viens.

Je vous avais quitté fin juin allongé dans ma chambre de 12 m2, attendant sagement la cicatrisation complète de ma fesse droite, suite à une nouvelle chirurgie réparatrice post escarre. (Aujourd’hui, c’est nickel.) Puis, je suis passé aux levers en fauteuil progressifs à partir du 15 juillet, en débutant par 30 minutes matin et après-midi et en augmentant de 30 mn chaque semaine. Ce fut… très long, mais supportable. Le Tour de France masculin puis féminin, de bons livres, quelques précieux visiteurs et une activité professionnelle quotidienne me maintinrent en éveil intellectuel et sous le seuil de dépression. Enfin, lorsque mon temps de lever atteint les 2h30, je pris mes quartiers d’été en Bourgogne afin d’y achever au frais mon rétablissement à la demi verticale et mon arrêt de travail. Rien de bien nouveau, me direz-vous. Et pourtant si ! Pour rompre avec ce quotidien morne et réglé comme un séjour premium chez Orpéa (déjections, toilette, pansements, piqûres, cachets, lever, coucher…) mais aussi pour surprendre mes lecteurs, j’entrepris d’innover. De petits pas pour l’homme, certes, mais de grands pas pour l’handicapé. Lors de mes premiers levers progressifs, je décidai, pour voir, de me passer de chaussettes de contention et de me réconcilier avec le port du short. Évidemment, la réaction de l’épiderme de mes membres inférieurs, qui n’avaient pas été confrontés à l’astre solaire depuis 2014, ne se fit pas attendre. Avec une teinte rapidement rouge, puis cuivrée, j’arborai rapidement un bronzage recto façon Pépito, qui a beaucoup amusé mes aides soignantes et qui subsiste encore en cette fin décembre. Première grosse innovation donc, car je me suis débarrassé définitivement des chaussettes de contention très seyantes que je (on) m’obligeais (t) à porter et je me bronze tranquillou les genoux. Autre innovation, j’ai réussi à me passer des injections de Botox pour calmer les turpitudes de ma vessie. Un rituel annuel qui devrait modérément me manquer.
La seule chose dont je n’ai pas vraiment réussi à me passer, c’est de mon fauteuil roulant. Dans un premier temps, je l’ai changé. Oui, après plus d’un an d’attente, j’ai posé mon séant fin août sur un nouveau trône mobile. Ne souriez pas. Ça n’a rien d’évident. Cet objet est devenu tellement intime qu’en changer peut virer au traumatisme. J’appréhendais et pourtant, ça s’est passé.. comme dans un fauteuil. Plus moderne, plus esthétique, plus léger, plus noble (cadre en titane), plus stable (moins casse gueule), plus rapide (Si l’assistance niveau 1 est plus exigeante, je dépasse les 10km/h en vitesse assistance 2. Ce qui exige un peu de maîtrise), c’est une vraie réussite. 
Nouveau défi, et non des moindres, je vais me passer prochainement de ma pompe intrathécale à Baclofène. Vous vous souvenez, ce fameux objet censé me rendre le quotidien plus agréable et qui ne m’a généré que des galères depuis quatre ans. Pour ceux qui ignore de quoi je parle, je les invite à lire la plupart des récentes publications de ce blog. Bref, le truc en question est encore infecté, comme en atteste un récent pet-scan et une fistule apparue soudainement dans mon dos à l’automne, comme un gros comédon sur le nez. Donc, à la demande express de mon infectiologue Caroline, une des rares professionnelles compétentes croisées sur mon désormais long itinéraire de tétra, je vais me faire retirer ce corps étranger début 2023. Le temps de me sevrer progressivement de ce produit anti-spasmes. Le débit a déjà été réduit de 60% et, pour l’heure, je note peu de conséquences notables sur mon état spastique. A se demander quelle était l’utilité exacte de l’installation. Seuls les sachants sachent ! A ce propos, je faisais l’autre jour le constat que depuis 8 ans, seules une poignée de professionnels, exclusivement des femmes, m’ont vraiment délivré des diagnostics, soins ou conseils pertinents et efficaces. Je pense à Laurence T, Lucie K, Delphine V, Caroline P (croisée dans une autre vie), Naïma P, sans oublier quelques infirmières et aides soignantes. En regard, les mâles blancs dominants, autorités suprêmes, professeurs, docteurs, internes, soignants que j’ai eu la joie de côtoyer, sont presque toujours prétentieux, sûrs de leur premier diagnostic, peu disponibles ni bavards et souvent dans l’erreur. C’est fou d’écrire ça. Et pourtant….
Parallèlement, il se trouve que j’ai pas mal innové également dans la poursuite de ma carrière professionnelle. Momentanément seul aux manettes pendant cette période de retraite horizontale, je dus par exemple mener quelques entretiens délicats depuis mon lit médicalisé. C’était plutôt motivant. Avant que mon principal associé ne se mette en mode pause pour quelques mois, nous avions juste eu le temps de nous choisir un troisième actionnaire dont l’écoute et le bon mood m’ont bien aidé à traverser ce confinement en mode télétravail. Et puis, il a bien fallu reprendre le chemin du bureau et j’en ai profité pour revoir totalement mon organisation. Fini le quatre-cinquième thérapeutique. J’ai supprimé le kiné en ville, la salle de sports en semaine, les restos réguliers, pour me consacrer à l’essentiel. Je suis présent au bureau désormais tous les jours. Trois journées continues avec une pause travail à l’horizontale de deux heures sur une petite banquette spécialement aménagée en salle de réunion. Et deux jours où je quitte le bureau à 14h30, pour enchaîner pause et télétravail à domicile. Je passerai probablement à quatre jours continus prochainement, lorsque j’aurai trouvé une solution kiné à domicile sur mes créneaux disponibles. Ce qui n’est pas une mince affaire.
Enfin, j’innove également progressivement dans mes relations avec les autres humains. Trop gentil, trop cool, trop… con. Je vais durcir un peu le ton. Il n’est jamais trop tard. Je vais avoir 59 ans, presque l’âge d’un Brad Pitt, d’un Tom Cruise ou d’un Jean Castex et comme eux, je me rends bien compte que le meilleur est sans doute derrière moi. Je n’ai plus de temps à perdre avec des choses que je ne souhaite pas ou plus faire ou avec des personnes que je préfère éviter de côtoyer, ne serait-ce qu’un bref instant.
Je tire donc un trait définitif sur les coachs de vie, les psys, les consultants en entreprise, les influenceurs, les naturophates, les malfaisants, les ingrats, les aigris, les boulets, les cyclotouristes, les abrutis qui se garent sur les places PMR, les fachos, les haineux… Bonne année 2023 à tous les autres !
Je me fixe personnellement des objectifs raisonnables pour cette nouvelle année. Ne pas excéder quatre jours d’hospitalisation, avoir toujours envie de sourire, faire une belle année professionnelle, limiter encore mon empreinte carbone, me dégoter un dossard pour le marathon des Jeux en 2024 et retrouver mes supers pouvoirs.

Par Michel Sorine

Michel Sorine

Ex sportif du dimanche et directeur d’Extra-Sports la semaine, il est également tétraplégique depuis 2014. Ce blog raconte l’histoire de sa nouvelle vie.

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Il y a 10 commentaires

  • Mamanpat le 31.12.2022 à 23h56

    Best Tetra ever. 2024 à Tahiti
    Big hugs mon Mimi.

  • BRUN le 01.01.2023 à 9h52

    Belle Année Michel.top billet
    surtout eviter les cons

  • Arthurbaldur le 01.01.2023 à 13h40

    Hello,
    Bonne année Michel. Cela semble bien démarrer côté pro avec le LUT, je te souhaite également le meilleur pour le reste.

  • philkikou le 01.01.2023 à 13h42

    Tout le bonheur du monde …. et merci pour ces billets
    https://youtu.be/dGBQUcQZmYQ
    Philkikou le cyclotouriste 🙂

  • christophe bristiel le 01.01.2023 à 14h45

    Bonjour Mr Sorine . Tres bonne année a vous .Joie , Bonheur et la santé ….Surtout .Au plaisir de vous (re) lire .

  • Esquirol Olivier le 01.01.2023 à 16h21

    Bonne année Michel et que tous tes voeux se réalisent…
    Un ami invisible

  • Hurter Jean-Michel le 01.01.2023 à 16h36

    C’est le premier post de ton blog que je lis. Difficile d’exprimer ce que je ressens avec les mots justes. Je dirai simplement que malgré le peu de temps où nous nous sommes côtoyés, j’ai gardé des souvenirs d’une personne que je retrouve aujourd’hui dans tes mots. Amitiés du facteur!

  • Boubou27 le 02.01.2023 à 0h02

    Bonjour et bonne année Michel !
    Je suis depuis plusieurs années les billets et c’est toujours un plaisir a lire.
    Le moral semble bon avec de bonnes résolutions de début d’année.

  • Jacqueline le 03.01.2023 à 21h55

    Coucou Mim. Désolée de ne pas t’avoir vu lors de mon passage chez toi. Marin couché et toi aussi mais tes 3 filles et Chloé décoraient la table du réveillon.
    Je te souhaite de réaliser tes vœux pour 2023 et d’éjecter les  »cons » . Bisous

  • francesca le 10.01.2023 à 16h20

    Belle année à toi et aux tiens, Michel. Encore un billet plein d’énergie, de réflexions qui nous bousculent. Je te souhaite de retrouver tes supers pouvoirs! tu es bien parti pour, non? mille bises

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