Résilient ou résigné ?
15 mai 2021
Enfin ! Je n’y croyais vraiment plus. C’est proprement miraculeux. Après cette longue période qui m’a vu reclus, dépressif et privé d’une vie normale, une existence faite de liberté, de projets, de spontanéité, de petits plaisirs simples, de fêtes grandioses, de soirées électro, de sports extrêmes, de sensations enivrantes, de cocktails mondains, de voyages exotiques, de sexe, de drogue et de rock´n’roll, j’entrevois peut-être, au comble de l’émotion, la fin du cauchemar.
Comme beaucoup de lecteurs avaient jugé mon précédent billet plombant, voire dépressif, je positive. Mais on se calme, je parle juste de Covid.e. J’emploie l’écriture inclusive car d’une part j’adore et d’autre part, après avoir dit « le » Covid, puis « la », il semblerait qu’il y ait aujourd’hui controverse relative à cette maladie virale vedette au plus haut niveau, entre Le Petit Robert et le Larousse. Vous voyez le genre. Bref, cet été, l’alerte Covid.e étant momentanément levée, la vie de tout le monde devrait de nouveau s’enjailler. Sauf la mienne. Et pourtant, je pourrai bientôt disposer d’un pass sanitaire, moi aussi. J’ai enfin réussi à me faire vacciner début avril. Bon d’accord, juste la première dose d’un vaccin dont personne ne veut plus. Ce fut pourtant assez laborieux. Je m’étais d’abord tourné naturellement vers une solution de proximité, à portée de fauteuil, le modeste cabinet de mon médecin traitant. C’était avant de comprendre que ce généraliste sans histoire et sans ordinateur, donc a priori non abonné à la chaîne YouTube du professeur Raoult, faisait partie, comme d’autres spécialistes, type Dupont Aignan, des adeptes frustrés du traitement à base d’Hydroxichloroquine et à priori assez réticents à la vaccination anti Covid. Éconduit mais toujours déterminé, je me suis alors orienté vers ma pharmacie de quartier, où j’ai le privilège d’être considéré comme l’un des meilleurs clients. Je m’y fournis en effet assez régulièrement en médicaments et accessoires divers voués à lubrifier les rouages grippés de ma morne existence. Dans ce second cas, ce n’était pas la bonne volonté qui faisait défaut, mais les doses de vaccins. Il m’a donc fallu faire preuve encore d’un peu de patience (j’en ai à revendre) avant de recevoir enfin le précieux fluide en intra musculaire. N’en déplaise à tous les contempteurs du vaccin suédo-britannique honni, cette injection n’entraîna chez moi nul effet secondaire apparent, même pas la moindre petite thrombose.
En attendant une deuxième dose programmée le 25 juin, voire une troisième si nécessaire pour la 5G, j’ai choisi de reprendre ma vie sociale en retrouvant plus régulièrement le chemin du bureau, faisant fi des consignes gouvernementales prônant le télétravail dès que possible. L’activité reste encore « partielle » côté sports, même si le plan de déconfinement annoncé nous laisse entrevoir un dernier quadrimestre 2021 durant lequel je n’ai pas intérêt à développer une nouvel escarre. En revanche, du côté de nos colocataires indépendants de la communication, c’est l’effervescence printanière. De nombreux nouveaux et jeunes visages en CDI, stage ou apprentissage ont envahi les parties communes et bientôt plus personne dans cette boîte ne saura qui est ce boomer en fauteuil roulant qui semble « travailler » ici. Nul ne se souviendra que celui qui sonne avec insistance le matin et qui a besoin qu’on lui tienne la lourde porte d’entrée a été un jour un mec valide, bosseur, sportif, rigolo, créatif et associé dans cette agence. Comme quoi tout peut s’oublier. Enfin presque. Une effervescence que l’on doit sans doute également aux échéances électorales toutes proches. Ces derniers mois, des voix et silhouettes familières ont ainsi réapparu dans le grand hall d’entrée de nos bureaux partagés, réminiscences d’anciennes campagnes victorieuses. Souvenirs de périodes pas si lointaines, voire proches durant lesquelles ces personnes n’auraient pas raté l’occasion de venir me saluer. Désormais, il semblerait que l’inclusion et la bienveillance, des thématiques pourtant chères à ces sensibilités politiques exacerbées, s’arrêtent à la porte de mon espace de travail. Forcément, je le remarque, et ensuite forcément, cela m’attriste, m’interroge. Pour quelle raison majeure suis-je devenu infréquentable ou banni de certains cercles bien pensants ? Soupçons de macronisme, de discernement altéré, d’ingratitude ? Ou pire : d’infidélité, de traîtrise, de malversations ? Cela mérite réflexion. J’y reviendrai peut-être en vous racontant toute l’histoire, du moins ma version.
En attendant que l’on se souvienne de moi et que les urnes ne rendent leur verdict, je m’auto-déconfine à mort. J’entreprends, sans solliciter l’aide pourtant essentielle d’un coach, de me remettre au sport après quelques mois d’abstinence. Je vous rassure, ça reste assez limité. Deux heures à la salle @ANTS chaque mercredi, où la conversation de mes handicapairs est trop intéressante pour ne pas me désintéresser un peu de la machine à muscu. Et puis, après sept mois de séparation technique, mon handbike à assistance électrique a enfin fait son retour, à priori tout réparé. Direction donc la Bourgogne pour essayer l’engin et profiter des premiers soleils, après le funeste épisode de gelée noire qui a décimé les vignobles et mon cerisier. En fait, plutôt que d’essayer, il s’agissait plutôt de vérifier que le problème technique qui avait pourri la fin de mon été 2020 avait été résolu et que je pouvais rouler en toute confiance sans craindre la coupure moteur au bout de quelques kilomètres. Le fournisseur m’avait presque rassuré en me certifiant avoir procédé à plusieurs essais sans rencontrer de problème. C’est donc assez serein que je m’élançai sous un soleil radieux, accompagné d’un ange gardien volontaire et courageux, quoiqu’assez peu véloce. Au bout de 4 km sur une voie verte en faux plat montant, offrant de très beaux points de vues sur les villages des Maranges, j’avais oublié la menace de la panne ainsi que mon coéquipier. Je ralentis donc, tout heureux de partager avec lui ce moment d’extase bucolique et technologique et sans doute aussi pour économiser mes bras surpris par l’effort. Nous avons avancé comme ça pendant encore cinq kilomètres, en communion totale avec notre environnement, nos corps et nos machines, avant qu’à l’occasion d’une petite accélération, mon assistance moteur ne rende l’âme dans un râle un peu rauque. Même bruit, mêmes symptômes, même difficulté à redémarrer l’assistance. Le problème, si souvent rencontré cet été avant le retour usine, est toujours présent. Je vous épargnerai les multiples difficultés du retour au stand, certes majoritairement en descente, avec une assistance inopérante agrémentée d’une crevaison au pneu avant. Je restai étrangement calme, au guidon de cet engin fort onéreux, acheté il y a trois ans et toujours inutilisable. Résilience ou résignation ? Je décidai d’adopter une attitude positive et constructive. Stéphane, mon valeureux accompagnateur, estimait qu’il s’agissait d’un problème de batterie. Il est vrai que fournisseur ayant tout changé sauf ce composant, il était possible, sinon probable, que la batterie amovible puisse être l’élément défectueux. J’en informai mon interlocuteur commercial dépité, qui m’enverra assez rapidement une batterie neuve. A l’heure où j’écris ces lignes, je viens, en compagnie de mon frère toujours héroïque, de réaliser un nouvel essai, cette fois-ci concluant. 28 kilomètres sans encombre, si ce n’est une météo exécrable pour une mi-mai, un vent latéral soutenu, deux fortes averses et une voie verte tirant sur le marron. Au final, je bouclerai cette sortie mémorable totalement trempé, grelottant, maculé de boue, mais triomphant sous un bel arc en ciel.
A 50 ans largement passés, je ne suis pas encore sûr d’avoir réussi ma vie, du moins la seconde moitié, je n’ai toujours pas de Rolex, ni aucune autre montre d’ailleurs, mais je possède un handbike spécial tétra, à assistance et dérailleur électriques qui fonctionnent, avec un petit drapeau personnalisé à tête de mort. Et ça, on n’est pas nombreux à pouvoir s’en vanter. Il me reste cependant une case à cocher afin de valider mon parcours de cinquantenaire. Ayant auparavant négligé sciemment la proposition de l’assurance maladie de procéder à un test de dépistage du cancer colorectal, je ne puis me dérober aujourd’hui devant l’invitation d’un éminent spécialiste à procéder prochainement à une petite coloscopie. Pourquoi pas ? Depuis sept ans, je ne m’en lasse pas, de toutes ces expériences nouvelles.
Mim il est vrai que le temps n’est pas propice aux sorties vélos ou autres. Mais si ton handbike fonctionne c’est une bonne nouvelle. A ce prix là tu devrais te faire rembourser une partie de cet engin …. Passez un bon week-end et promis j’irai vous voir dès que je serai rétablie. Bisous
Salut Michel,
Content que tu puisses enfin utiliser ton Handbike. Très joli fanion .
Même constat : des amis ne m’adressant plus la parole depuis que je me suis fait vacciner et que j’ai comparé leur croyances tout azimuts (5G,puces vax…) au fabuleux « la terre est plate »
Quelle radicalisation….
Du coup c’est dommage, plus aucun débat, ils préfèrent rester entre eux.
Bon courage à toi.
Gilles
bravo mimi je pensais pas que tu règlerais le problème en moins de 3 ans!
tu vas pouvoir te griser cet été
Dorine Bourneton : un autre parcours cabossé, un sacré caractère et un autre exemple pour tous : https://www.franceinter.fr/emissions/une-semaine-en-france/une-semaine-en-france-21-mai-2021
ta vie n’est pas un long fleuve tranquille!!! et les récits de tes expériences sont toujours aussi passionnants à suivre. Tu as une sacrée patience : cette histoire de handbike est complètement délirante. Bravo pour pour le drapeau : il me plait beaucoup!
j’attends le prochain épisode de la saison été.
mille bises