Inclusive VS exclusif.
19 février 2020
Depuis que je suis passé du côté mou de la force, il s’agit du premier mois de janvier durant lequel je n’ai pas eu le temps de déprimer. Comme quoi la reprise d’une activité professionnelle à responsabilités à des effets «stupéfiants» et devrait être le graal de tout néo handicapé.
Si peu y parviennent, c’est sans doute que la chose est moins aisée qu’il n’y paraît. Je mesure chaque jour la chance d’être porté par mon taf et, contrairement à tous les actifs qui manifestent actuellement leur mécontentement en pensant à leur retraite, j’aspire à ce que cela dure le plus longtemps possible.
Permettre aux handicapés d’accéder au monde du travail est une chose, mais pas que. Leur rendre accessible les transports, la ville, les vacances, les logements, les commerces, les ressources financières, l’école, les soins de rééducation, les aides aux aidants, les services administratifs, et même le sexe… sont quelques-uns des nombreux axes de travail ou effets d’annonce en cette période électorale pré municipales et au sortir d’une nouvelle Conférence nationale du handicap.
Du haut de mon fauteuil, immobile (peu mobile en tout cas), j’observe, amusé, toute cette agitation. Dans ma boîte aux lettres soudain convoitée, les tracts des nombreux candidats à la Ville ou à la métropole me promettent une cité de demain plus accessible et plus inclusive.
«Inclusive», le grand mot fourre-tout du moment. Si l’handicapé lambda peut en saisir le sens général, les moyens pour y parvenir paraissent plus abscons. A l’échelle lyonnaise, tel candidat proposera « une meilleure inclusion de chacun grâce à un centre ressources spécialisé dans les handicaps pour les familles et les professionnels », tandis qu’un autre définira « une stratégie pluriannuelle pour nos politiques d’inclusion du handicap ». Les écologistes prônent quant à eux l’accessibilité universelle : «Penser l’accessibilité pour tous, pas simplement pour les personnes en situation de handicap». C’est vrai ça, pourquoi toujours les mêmes ? D’autres enfin veulent bâtir une ville « vraiment » accessible, mais sans dire un mot sur le handicap (j’ai pourtant bien cherché).
Si avec tout ça, ma vie n’est pas plus facile lors de ces six prochaines années, c’est vraiment que je n’y mets pas du mien. En revanche, exiger de la part des commerçants, restaurants ou cabinets médicaux qu’ils disposent (chose rare) d’une rampe d’accès pour les fauteuils roulants, tel que cela devrait être légalement le cas depuis 2015, semble être un engagement peu inclusif… En terme de déplacements, l’handicapé lyonnais n’a pourtant pas trop à se plaindre comparé à son homologue d’île de France. Sur les 303 stations du métro parisien, seules neuf sont accessibles aux personnes en fauteuil roulant. Toutes sont situées sur la ligne 14, la plus récente du réseau RATP. En matière d’inclusion, les régimes spéciaux semblent également avoir la vie dure. Oui, Paris, la capitale qui va accueillir les JO en 2024…
Bref, le handicap, on en parle beaucoup, surtout en période électorale, mais j’ai un peu le sentiment que tout le monde s’en fout, dès lors qu’il n’est pas concerné, de près ou de loin. On peut comprendre. C’est vrai que l’inclusion, c’est pénible. Ça prend trois places dans le bus, ça oblige à investir dans une rampe encombrante qu’il faut sortir et rentrer chaque jour, ça donne des coups de fauteuil dans les tibias, ça oblige à aménager des toilettes de la taille d’une salle de bains, ça bouscule tout le monde en arrivant au restaurant, ça coûte un pognon de dingue, ça prend la place d’un valide, beaucoup plus polyvalent, dans l’entreprise, ça met rarement l’ambiance en soirée et ça fait peur aux enfants. On nous espère inclus quand beaucoup nous préfèrent finalement reclus.
Personnellement, je m’en tamponne un peu de l’inclusion. Je prends ce qu’il y a à prendre et pour le reste je me débrouille. Visiblement trop privilégié pour prétendre à la Prestation de compensation de handicap (PCH), à l’Allocation Adulte Handicapé (AAH) ou encore à la CMI, je devrais logiquement avoir droit à la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH), même si j’ignore à quoi ça pourrait bien me servir. J’ai déjà bien assez galéré pour renouveler mon dossier MDPH, qui m’octroie la précieuse CI qui atteste de mon handicap, des fois que je simule, ma carte stationnement handicapé, dont bénéficie étrangement beaucoup de monde, et mes 6 heures hebdomadaires d’auxiliaire de vie.
Pour le reste, je m’appuie essentiellement sur le 3DI (Démerde et Droit à la Différence et à l’Impertinence), et accessoirement sur ce merveilleux service Optibus pour mon inclusion quotidienne dans ce monde de valides dédaigneux. Oh, je galère toujours sur les pavés et les trottoirs aux angles de rues, pas toujours carrossables, mais je ne déplore plus aucune chute.
Je me suis naturellement adapté à cet environnement hostile, peuplé de bipèdes pressés, de trottinettes électriques, de déjections canines, d’échafaudages et de 4×4 en warning.
Mais rien ne m’arrête plus. Tandis que d’autres, pourtant promoteurs de l’inclusion, s’écroulent pour avoir exhibé leur teub en vidéo, je triomphe après avoir présenté mes fesses, fraîchement recousues, au corps médical. Cinq mois après mon opération de l’ischion droit, j’ai gagné définitivement le droit de m’asseoir sur une année de galère.
Je file en roue libre vers les beaux jours, l’esprit libre, assumant ma différence, mon côté exclusif. Ne rien faire comme tout le monde, finalement, ça a du bon.
Respect, Mimi ! gros bisouxxx
Mamoëlle 🙂
Heureuse de cette lecture qui me montre le Michel combattif
Celui que tu as toujours été. Déjà te voir à l’anniversaire de ton entreprise avec ton sourire irrésistible m’avait fait plaisir. Il a fallu attendre la fin de la lecture pour trouver la »petite pique » sur l’affaire qui occupe les médias. Franchement j’aurais été déçue si tu ne l’avais pas fait. Gros bisous cousin et à bientôt en Bourgogne.
Le moral semble aller de pair avec les retrouvailles d’un job prenant, c’est chouette de lire ça ! Pour la RQTH, ça te permet surtout de demander un aménagement de poste de travail et à l’employeur de toucher des aides pour t’accompagner dans l’adaptation du poste (ergo, rampe, temps de travail etc.). Ca peut valoir le coup. A voir.
Content de voir aussi qu’Optibus à toujours tes faveurs. J’y ai bossé 4 ans, il ya une 20aine d’années. On était une vraie famille entre chauffeurs et et les clients que l’on transportait tous les jours devenaient de vrais potes. J’en côtoie toujours !
Prends soin de toi et à bientôt peut être
Bravissimo, une petite idée à développer. Concevoir une appli permettant de circuler en ville en fauteuil. Ça ne doit pas être compliquer, en vert les trottoirs aménagés, en rouge les trottoirs infranchissables.
Bref, nos chers politiques pourraient s’en servir également pour faire leur budget et donc mettre l’argent ou il faut.
Les fabricants de matériel pour handicapés pourraient financer, mais peut être aussi la collectivité.
Il faut le dire, il nous font un peu c…., ces handi !
Bises
Formidable votre façon d’écrire ! Je suis fan. Je vous ai déjà lu sur Hizy. Votre humour, c’est quelque chose ! La vanne sur la teub de qui on sait, fallait la faire !! Bravo ! Tout ce que vous écrivez est vrai. Archi vrai. Moi, je me bats depuis 18 ans pour mon fils autiste. C’est pas mal aussi l’autisme dans le genre « comment galérer ». Et on a pas mal galéré avec ce p-t–n de parcoursup au printemps dernier. Cette plateforme qui tient soi-disant compte du handicap. Ben voyons ! Et les concours d’accès aux écoles qui ne s’adaptent pas du tout à la particularité de l’autisme. Les gens qui vous disent qu’ils n’ont rien contre l’autisme (il manquerait plus que ça !!) mais qui, le moment venu, vous regarde avec la bouche en cul de poule, incapable de réfléchir plus loin que le bout de leur nez.
Du coup, c’est une école privée (merci à elle) hors parcoursup qui accueillera notre fils à la prochaine rentrée après une année de déscolarisation. On va devoir déménager à Paris (on est du côté de Saint Quentin en Yvelines) pour l’accompagner car il ne peut pas vivre seul ni prendre les transports en commun (souvent en grève en plus). Selon les premières infos que j’ai obtenues auprès de la MDPH, aucune possibilité d’être aidée financièrement pour le logement (pourtant directement lié au handicap du fiston). Bref, la conclusion, c’est que lorsque l’on est en situation de handicap, il faut mieux avoir une famille un peu aisée. On savait que l’ascenseur social était faiblard, mais avec un handicap, il l’est encore plus. Bon dimanche à vous.
Content pour toi de lire un billet avec le moral inclusif et galère exclusif !
Au plaisir de te revoir au resto La esquina l accès ..l acceuil..et la table sont bons..amitiés..Jeff
ton humour est invasif! et c’est tant mieux…
je t’embrasse
tu finis par être énervant, Michel : tu reconnais toi même que tu as passé un mois formidable en l’espace de 6 ans et tu te plains encore.
Bref t’en veux toujours plus
Tu sais , la période n’est pas facile pour le commun des mortels