Juste une histoire de fesses
25 octobre 2018
Je ne souhaite de mal à personne. Même pas à Eric Zemmour. Pour autant, si ce dernier se retrouvait un jour victime d’un coup du sort, privé de l’usage de ses jambes, et partiellement de ses bras, il pourrait devenir, bien malgré lui, dépendant au quotidien de tout un tas de personnes qui ne rentrent pas vraiment dans ses critères.
Amelle, Akim, Asnath, Abdé, Naïma, Farid, Sophia, Andy, Fadila, Ouda, Fallone, Fatima, Antonio, Chafika, Mariano, Abdel, Boualem, Samira, Dalila, Lakdar, Mélissa…c’est dingue le nombre de personnes, portant des prénoms d’origine étrangère, qui ont fait irruption, ces 4 dernières années, dans mon cercle d’intimes.
Beaucoup d’entre-eux ne sont même pas nés en France (Vous voyez le genre, Éric…). Mais ils y vivent et y travaillent. Aide-soignantes, auxiliaires de vie, infirmières, ambulanciers, chauffeurs PMR, Kiné…, ils font des métiers difficiles, contraignants en terme d’horaires et souvent pour de petits salaires. Le métier d’aide-soignant(e), en particulier, est un secteur où le recrutement est complexe, malgré une demande exponentielle et dans lequel les français de souche, portant des prénoms de « saints chrétiens » chers à nos identitaires congénitaux, ne constituent pas la majorité du genre. Torcher des vieux ou des handicapés tout en gardant le sourire malgré les vacheries ou insultes fréquentes est une vocation certes peu glamour, mais tellement… utile. Je ne remercierais jamais assez tous ceux qui me consacrent du temps. Si mon accident m’a fermé des portes, il m’a ouvert les yeux sur cette France que je connaissais peu et m’a permis de faire de belles rencontres.
Un Eric Zemmour en fauteuil devrait donc s’accommoder de ce pluralisme ethnique et se rendrait peut-être compte de l’humiliation qu’on pu ressentir à ses propos toutes ces personnes portant des prénoms d’origine étrangère, et accessoirement tous les hommes se prénommant Eric.
Mis à part les saillies de l’intellectuel ultra droitier et quelques coups de gueule d’insoumis en mal d’inspiration, rien ne venait troubler la douce quiétude de cette rentrée plombée par un été qui n’en finissait pas. Toujours frustré par les insuffisances de technologiques de mon Hanbike (voir billet précédent), j’ai fait rapatrier l’objet chez le revendeur à Lyon et nous testons d’ultimes réglages avant d’envisager purement et simplement un changement de motorisation. Il me faudra sans doute attendre le printemps prochain pour goûter pleinement aux joies de la balade bucolique sur 3 roues.
Heureusement, pour patienter durant l’hiver, nous avons enfin concrétisé, sous l’impulsion de Vance, avec Julien et quelques autres, notre projet de salle de sport dédiée aux handicapés moteurs. Inaugurée le 12 octobre dernier avec médias, élus, flonflons et trompettes, ce bel espace de 120 m2 est un dispositif unique en France, il faut le souligner au passage. Il devrait en tout cas me servir de refuge tous les mercredis après-midi, durant quelques heures, pour côtoyer de la fonte, d’autres personnes à besoins particuliers et les pentes du Mont Ventoux en vidéo. Reste à rendre l’ensemble du parc de machines disponibles opérationnel et accessible. C’est pour bientôt.
Bref, les rayons du soleil et de ma bibliothèque entretenaient mes couleurs et mon moral, et malgré le désormais inéluctable et funeste destin de l’humanité, je jouissais de l’instant et de la proximité avec ma descendance épanouie.
Pourtant, après le beau temps vint l’appui. Résurgence d’un ancien escarre qui m’immobilisa de nombreuses semaines durant mon long séjour hospitalier et d’une légère dermo-abrasion estivale sur un ischion devenu fragile, une plaie minime mais tenace s’est imposée progressivement, depuis presque 3 mois, sur mon séant. Ayant réussi précédemment à conjurer les phénomènes similaires par la simple application quotidienne d’une crème cicatrisante et d’un pansement protecteur, je continuais à mener une vie « normale » et insouciante. Mais tous ceux qui ont opté pour le fauteuil comme moyen de locomotion le savent. Il s’agit même d’une des premières choses que l’on vous enseigne en rééducation post traumatique, à grand renfort de descriptions épouvantables et d’images dégueus : l’escarre est l’ennemi absolu de l’homme à roulettes. On vous rabâche jusqu’à l’indigestion qu’il faut vérifier chaque jour son état cutané, soulager régulièrement ses appuis, limiter autant que possible les heures passées en fauteuil et s’alarmer à la moindre rougeur tenace. Facile avec ça de conjuguer une vie professionnelle et sociale épanouie. Et une fois l’escarre installé, un seul remède s’impose : supprimer l’appui. En clair, proscrire la position assise… Malgré la mise en place d’un protocole de soins plus élaboré par mon pool d’infirmières, qui m’a permis de stabiliser le truc, aucune évolution n’était franchement constatée. Ma visite annuelle de contrôle à l’hôpital fut donc fatale à mon insouciance teintée de laxisme. Face à cette petite plaie fibrineuse de 1,5 cm de diamètre, (je ne vous épargne rien), autrement dit un escarre niveau 2, il m’a été plus que recommandé de rester alité pendant une dizaine de jours minimum et d’expérimenter un nouveau protocole.
C’est donc en position horizontale, sous ma couette, que je rédige ce billet de blog, contemplant de la fenêtre de ma chambre les derniers rayons d’octobre sur mon olivier couvert de fruits. Étrangement, autant cette difficile décision m’a anéanti la semaine dernière, autant ces premiers jours d’arrêt de travail se passent presque bien, entre frénésie de home working, de presse et de réseaux sociaux sur ma tablette, agrémentée de pause lecture ou cinéma et de moments partagés avec ma famille, notamment la petite dernière, en pleine vacances scolaires. Elle va avoir 4 ans, l’âge de mon fauteuil. Je redécouvre aussi les joies des repas ou du brossage de dents au lit, sur un matelas à air assez bruyant, loué pour l’épisode. Suite au prochain. Les histoires de fesses se terminent bien, en général.
Enfin un article scientifico médical, magnifiquement illustré de surcroît.
J »aime bien la métaphore. Cette France laxiste,insouciante qui,faute d’avoir su vaincre ses esquares idéologiques zemmouriens ne peut plus compter sur ses fondements. ..
Content que ça ne se passe pas trop mal
Le coach
Bonjour Michel
maintenant que mon fils travaille avec vous (vous représentez pour lui un repère de vie très significatif, car il ne peut qu’admirer votre combat quotidien pour rester motivé par la vie), et que nous vous avons brièvement rencontré à Lyon, nous lisons votre blog, toujours magnifiquement écrit. Le dernier billet nous touche particulièrement, car en décrivant la situation bien concrète des »hommes à roulettes », en décrivant la rencontre de ceux qui sont amenés à les aider et qui n’ont pas toujours »des prénoms de saints chrétiens », le tout sans agressivité inutile, votre blog remet formidablement en place cet homme (Zemmour) si malveillant. Alors bravo à la fois pour cela, et merci pour le magnifique exemple de ténacité que vous offrez à notre fils. Cela l’aidera sûrement dans les moments d’adversité et même dans la vie tout court, à mieux relativiser.
» après le beau temps vint l’appui » : j’adore ce genre de trouvailles en particulier, et tes billets en général tant sur la forme que sur le fond !!!
A propos de forme j’espère que la forme allitée est finie et qu’à défaut de la forme olympique tu retrouves une forme « assis » sans pharmacie, une histoire à dormir et à rêver debout !!!
Vivement que ça roule comme sur des roulettes avec ton Hanbike enfin opérationnel !!!
l’escar rabais : même petit, « peu chair » , il faut s’en méfier…
l’escar mouche : une bataille qui n’ira pas plus loin qu’une escarmouche…
escar go !! Tu en baves mais Go, l’ escar s’ barre !…
escar hasard que tu te retrouves couché pas bougé ?
escar pêt : un jeu de mot suspect…
escar selle : bientôt remis en selle après cette pause contrainte et forcée que tu as l’air ( comme le reste ) de prendre avec beaucoup de philosophie et de résilience
l’escar hibou : ce n’est pas chouette mais tu vas bientôt reprendre les rênes de ton fauteuil
Merci Mim 😉
Bonjour Michel,
j’ai visiblement de la chance de ne pas connaître Eric Zemmour, puisqu’il n’est jamais invité à « C dans l’air ». J’ai également visiblement de la chance de ne pas connaître les escarres.
Je m’exprime donc sur un sujet que je ne connais pas, mais il me semble que Zemmour est plus fréquentable que l’escarre. Sauf à considérer que ce dernier, contrairement à Eric Zemmour, est silencieux.
Au plaisir.
Oh la la! comme j’aime lire tes billets. Merci pour ton humour et pour toutes les informations que tu nous transmets sur « la vie en fauteuil ». Tu nous ouvres les yeux. C’est super. En espérant que tu puisses bientôt te mettre à nouveau sur ton séant, je t’embrasse mille fois.
https://fr.ulule.com/hors-cases-bd/ : initiative de jeunes lyonnais